1008. Les Réserves Naturelles RNOB vous proposent de découvrir LA RESERVE NATURELLE DE ROGNAC

Jacques Filée nous a quittés il y a quelques mois.

Passionné d’histoire locale, attaché à son village de Neuville en Condroz, membre fondateur de notre ASBL, il était de toutes nos manifestations. Ces dernières années, il consacrait énormément de son temps à la gestion quotidienne de la réserve du Rognac.

En hommage à sa mémoire,
je vous propose, en sa compagnie,
une visite de la réserve.

La propriété de Rognac, s’étendant sur les communes de Neupré et de Flémalle, appartenait au Dr L. TILMAN. En 1978, ce dernier en fit don aux RNOB. Amoureux de la nature, il espérait ainsi inciter les jeunes chercheurs et les scientifiques à étudier plus en détail ce site. La forêt de Rognac est en effet l’une des rares à n’avoir fait l’objet d’aucune intervention depuis près d’un siècle.

D’une douzaine d’hectares, la réserve naturelle est traversée du sud au nord par le ruisseau de Neuville, rejoignant la Meuse à hauteur des cristalleries du Val Saint-Lambert à Flémalle. Vous vous trouvez au cœur de l’Ardenne condrusienne, remarquable par la variété de ses milieux forestiers.

Paradoxalement, ce n’est pas la forêt que vous abordez en ce début de ballade, car à l’endroit où le vallon encaissé de Rognac déborde sur le plateau, c’est une ancienne prairie, aujourd’hui occupée par une friche herbeuse et entretenue par des fauches régulières.

Certaines ombellifères très reconnaissables comme l’angélique sauvage, la berce commune ou le grand boucage trahissent la présence d’une certaine humidité. Deux petites mares ont d’ailleurs été aménagées à l’emplacement de deux sources. C’est l’occasion d’observer le tapis flottant formé par la petite lentille d’eau, et les très jolies fleurs blanches du plantain d’eau. C’est là également que la grenouille rousse et le crapaud commun viennent pondre. Plusieurs insectes aquatiques y ont élu domicile.

Le pipit farlouse est l’un des hôtes de ces milieux herbacés.

Vous pénétrez ensuite dans la forét de Rognac.

Visuellement déjà, elle donne une impression de grande diversité; le sous-bois est hétérogène et changeant. Çà et là, des arbres étonnent leurs dimensions. Il y a très longtemps que cette forêt n’a plus été exploitée, et qu’elle évolue sans aucune pression. Les espèces ligneuses qui vivent le moins longtemps, comme le bouleau, le sorbier ou le merisier dépérissent vers l’âge de 100, voire 150 ans. Le hêtre et le chêne, quant à eux, peuvent prospérer pendant plusieurs centaines d’années, et atteignent parfois 5 à 6 mètres de diamètre à la fin de leur vie.

A certains endroits, c’est le charme et le chêne pédonculé qui dominent, et en sous-bois, se développent le groseillier épineux ou le cerisier à grappes, ainsi que diverses plantes herbacées comme l’épiaire des bois, le gouet tacheté, le sceau de Salomon commun ou l’anémone sylvie. Une orchidée attend juillet pour fleurir: c’est l’épipactis à larges feuilles.

Ailleurs, le hêtre se fait plus abondant. Là se rencontre les tapis de la spectaculaire luzule des bois. Elle accompagnée d’autres plantes comme la balsamine des bois, la stellaire des bois ou la .petite pervenche, formant elle aussi des tapis.

Dans la chênaie silicicole apparaît aussi le bouleau verruqueux, parfois même très abondamment, à l’occasion d’un sol plus superficiel ou d’un rajeunissement déjà « ancien » de la forêt. La fougère aigle, qui y couvre une surface importante, mais aussi d’autres plantes comme la myrtille, le muguet ou encore le chèvrefeuille des bois vous indiquent que le sol est très acide.

Les versants frais sont le lieu de prédilection des fougères: la fougère femelle, la fougère mâle, le dryoptéris des Chartreux, le dryoptéris dilaté, le blechnum en épi ou la langue de cerf ou scolopendre. C’est là en outre que sont concentrées de belles populations de luzules : la luzule blanche (abondante dans la hêtraie), la luzule pileuse ou la luzule des bois. La digitale pourpre s’installe de manière très volontaire dès qu’une clairière se forme, à l’occasion de l’une ou l’autre tempête.

Tout au long des versants, de nombreux suintements et sources ont donné lieu au développement de fragments d’aulnaie où vous remarquez la dorine à feuilles opposées, la lysimaque des bois, la fétuque des bois, la laîche espacée… Le groupement s’enrichit au bas de ces couloirs de suintement, là où s’accumulent les colluvions et alluvions, et l’on y trouve encore la balsamine des bois ou la laîche pendante. Ces milieux très intéressants sont encore favorables à la salamandre tachetée. Rappelons que tous les batraciens sont protégés chez nous depuis 1983.

En rive gauche du ruisseau, en aval de la cascade du Pont Madame, une intéressante végétation de mousses colonise les éboulis et affleurements rocheux. C’est l’habitat de la rare fougère polystic à soies.

En parcourant la forêt, votre guide ne manquera pas de vous faire écouter le chant des nombreux oiseaux qui peuplent la réserve de Rognac, Les mésanges ne sont pas rares, comme la mésange à longue queue ou la mésange nonnette. La forêt est animée par bien d’autres oiseaux tels le roitelet huppé, la sittelle torchepot, le grirnpereau des jardins, le pouillot siffleur, la fauvette à tête noire, le coucou gris, la tourterelle des bois, le gobe-mouche noir…

Le pic épeiche martèle les troncs d’arbres moribonds. Il faut plus de chance pour apercevoir le pic épeichette. Le pic noir, au cri plaintif très distinct, s’entend de temps à autre. Tout aussi peu discret, et plus commun est le pic vert.

La forêt de Rognac est précieuse aussi pour l’autour des palombes et l’épervier d’Europe, et pour des nocturnes comme la chouette hulotte et le hibou moyen-duc.

Vous arrivez dans le fond du vallon.

L’urbanisation récente en amont du ruisseau de Neuville est à l’origine de la mauvaise qualité de l’eau. Le grand étang joue fort heureusement un rôle efficace d’épuration et de décantation. La richesse de la faune aquatique en aval de l’étang comparée à celle du ruisseau en amont est particulièrement révélatrice à ce point de vue.

Le détournement artificiel du cours d’eau a jadis permis l’aménagement de mares qui aujourd’hui sont en voie d’atterrissement naturel, et sont colonisées par diverses plantes aquatiques et des plantes de berges: le cresson de fontaine, la reine des prés, le myosotis des marais, la lycope, la menthe aquatique, le pétasite officinal, le scirpe des bois, la morelle douce-amère, la scrofulaire aquatique, le rubanier rameux et la rare graminée catabrose aquatique en sont quelques exemples.

Un moulin existait jadis dans le fond du vallon. Il n’en reste rien aujourd’hui, si ce n’est l’un ou l’autre débris de meule. Le bief reliant ce moulin au ruisseau ne manque toutefois pas d’intérêt. L’eau y est pure, et la végétation aquatique est essentiellement composée d’une mousse, et d’une petite espèce des eaux stagnantes, la callitriche à fruits plats.

C’est l’occasion de rechercher les tritons alpestre et palmé, la grenouille rousse, ou la petite épinoche.


Le bief du moulin.

L’étang de Rognac a été durant des années l’objet de bien des préoccupations pour les gestionnaires : pollutions diverses, développement d’un lit bactérien en surface, envasement…

Des aménagements récents ont heureusement amélioré la situation. Le problème de la pollution urbaine reste toutefois d’actualité.
Pas de végétation herbacée autour de l’étang, mais bien directement les arbres de la forêt, à l’exception peut-être de l’une ou l’autre zone envasée où s’installent certaines espèces spécialisées.
Ce plan d’eau forestier présente un intérêt ornithologique évident: la bergeronnette des ruisseaux le martin-pêcheur, le canard souchet, le cincle plongeur, le chevalier guignette, le grèbe castagneux… le fréquentent. Plusieurs poissons ont été notés lors d’une vidange de l’étang: le gardon, le brochet, la carpe, le chevaine, la perche… La salamandre tachetée est présente là aussi.

Ce petit descriptif serait lacunaire, s’il n’évoquait pas au moins la richesse en champignons de la réserve naturelle. En automne, les très nombreuses espèces passionneront les mycologues.
Dans la réserve, gardez vous de les cueillir, comme d’ailleurs toutes les plantes que vous observez.

Vous vous en êtes certainement aperçus, la réserve naturelle RNOB de Rognac, aujourd’hui agréée par la Région wallonne recèle bien des richesses. Elle reste un observatoire privilégié pour l’étude des mécanismes qui régissent les interactions entre les espèces qui y vivent. Plusieurs étudiants l’ont choisie pour cadre à leur recherche, et d’autres feront sans doute encore ce choix.

Que l’objectif principal du plan de gestion de la réserve soit de laisser libre cours à l’évolution naturelle de la forêt est une démarche hélas beaucoup trop rare dans notre pays. Certes, ce site s’avère bien petit au milieu de vastes forêts gérées plus ou moins intensivement, mais il reste en tout cas un exemple à suivre, et un lieu de découvertes et d’observations inépuisables. ..

Pour tout renseignement, n’hésitez pas à contacter notre secrétariat Réserves Naturelles RNOB Rue Royale Sainte-Marie, 105 à 1030 Bruxelles

Tél. : 02/245.55.00 -Fax: 02/245.39.33